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Interview / "Dani Kouyaté : 'Cet Étalon d'Or est une victoire pour toute une génération'"

Apres 28 ans , le réalisateur burkinabé Dani Kouyate a donné le 3e étalon d’or de Yennenga au Burkina Faso avec son film « KATANGA,LA DANSE DES SCORPIONS » ce samedi 1 Mars au palais des sports de Ouaga 2000 à l’occasion de la fin de la 29e édition du FESPACO. Apres son sacre , DANI KOUYATE nous a donne une interview exclusive.

 1. MT Monsieur Dani Kouyate , d'abord toutes mes félicitations, ça faisait 28 ans que le Burkina n'avait pas cet étalon d’or de Yennenga , qu’elles sont vos impressions pour cet étalon d’or.

DK : C’est une fierté pour moi d'avoir fait en sorte que cet etalon reste au Burkina, c'est une très grande fierté pour moi

2. MT : Vous êtes entre deux générations suivant les pas d’un certain Souleymane Cissé à qui vous aviez rendu hommage, c'était pas évident au départ et comment vous réagissez pour cette victoire ?

DK: Pour moi, je vais dire que c'est la victoire d'une génération, c'est la victoire de la génération à cheval entre l'ancien système et le nouveau système. Moi, j'ai fait mes premiers films en celluloïd entre 5 mm, 16 mm, etc. Et puis le troisième, j'ai commencé à travailler dans le numérique, donc j'étais vraiment à cheval sur les deux formats, en sachant que la façon de travailler a complètement changé entre les deux.

Mais aujourd'hui d'être là et de maintenir le cap, parce que nous on fait quand même des films avec la prétention, même si ça ne marche pas toujours, d'aller dans des festivals comme Berlin, comme Vénise, comme Cannes, de montrer notre pays à l'extérieur. Donc ce sont nos ambitions et chaque fois que le paris réussit, c'est une victoire.

Mais ceci étant, ce qui est aussi beau, c'est que j'ai travaillé aujourd'hui avec la jeune génération, parce qu'ici au Burkina, l'équipe était 100 % Burkina, mais avec des jeunes sortis de l'école de cinéma d'ici, et l'ingénieur du son, le chef moteur. C'est tous des jeunes qui ont participé au tournage.

3. MT : Vous avez parlé des techniques, votre film est blanc et noir, pourquoi avoir choisi ce format qui est un peu à l’ancienne ?

DK : Mais vous savez, le noir et blanc c'est pas l'ancien système. Il y a aujourd'hui des films qui se tournent à Hollywood et qu'on décide de revenir au noir et blanc. Parce que le noir et blanc à sa subtilité et sa finesse propre. Quand on travaille le noir et blanc, on travaille sur des gammes de griille et il y a une puissance dans le noir et blanc. La preuve c'est que tout le monde, peut-être pas tout le monde, mais beaucoup de gens ont été fasciné par le choix de ce noir et blanc.

Parce que ça campe vraiment le film dans un atmosphère, surtout la couleur nous maintient dans le réalisme. Et le noir et blanc tout d'un coup, ça se décale de soi par la force, ça se décale et ça s'impose pour une lecture différente. Et ça fait que par exemple quand on travaille avec l'idée de faire du noir et blanc, les couleurs on n'utilise pas n'importe quelle couleur parce que si tu prends du vert ou du rouge ou du jaune, tu n'as pas les mêmes gammes de grille.

Et donc tout ça, c'est assez scientifiquement étudié par les costumiers, par les décorateurs, par la lumière, et donc c'est un véritable travail.

4. MT :Tout à l'heure, vous avez parlé des jeunes dans l’équipe de production du film , Est-ce que, avec cette expérience-là, on peut dire aujourd'hui que dans plusieurs compartiments,on peut compter sur la ressource humaine dans le cinema africain ?

DK : Oui, ça c'est déjà parti, ça c'est déjà parti il y’a longtemps. Quand moi, je regarde là où je fais ce parcours, je vois plein de jeunes avec des caméras, et même des jeunes filles. J'étais fasciné par le fait qu'il y avait de plus en plus de jeunes filles qui tiennent la caméra, qui tiennent la perche, et ça c'est très, très intéressant à voir.

Et c'est révélateur d'une chose, et moi je dis que les jeunes aujourd'hui n'ont pas de complexes, et ils devraient pas en avoir en tout cas parce qu'ils travaillent avec les mêmes outils que tous les autres. Ils ont les mêmes outils, les mêmes caméras, les mêmes ordinateurs, les mêmes logiciels etc. Donc il n'y a pas de complexes à avoir. Maintenant ce qu'il nous faut, c'est le génie et raconter des histoires qui leur ressemblent

5. MT :Les démarches sont différentes, d’autres sont dans des films commerciaux , vous dans des films d’auteurs. Quelle posture doivent avoirs les africains avec toute cette diversité , toute cette richesse pour un cinema plus grand ?

DK : C’est une question d'auteur, parce que je pense qu'on ne peut pas prendre globalement comme ça la problématique. Je pense qu'il faut prendre le problème en termes d'auteur parce que nous avons des auteurs, nous avons certains qui sont des grands auteurs. qui ont des styles, qui ont des envies, des narrations, des choix, d'histoires qui veulent raconter, etc. Il y en a qui veulent faire du cinéma populaire, il y en a qui veulent faire des drames sociaux ou politiques, et moi je veux jouer sur la métaphore, sur la fable, politique, etc.

Et donc c'est à chaque auteur, à chaque artiste, à chaque réalisateur, déguiser son couteau. Et vous savez c'est comme dans une symphonie, et chaque instrument doit jouer sa note propre et pure. Et après, on a un ensemble, qu'on appelle la symphonie. C'est la même chose avec le cinéma. Quand on dit le cinéma, les auteurs doivent jouer leur partition pour que l'ensemble donne un tout. Parce qu'il faut du tout pour faire un monde.

6. MT : Le public vous attendais, on dira pour KATANGA , un d’essai un coup de maitre . Quand verra t’on Dani Kouyate pour une autre production?

DK:Je pense d'ici cinq ans, je reviendrai, inshallah, avec un autre film. Mais je dis ça parce que j'ai fait six longs métrages et j'ai chaque fois pris cinq ans entre chacun de mes films.

Moi, je mets cinq ans pour faire un film parce que je mets du temps pour écrire. D'abord, je dois avoir une histoire, l'envie de raconter quelque chose, de trouver cette chose-là, de l'écrire, ça prend beaucoup de temps parce que moi, je suis pas scenariste, donc je mets beaucoup de temps pour écrire parce que je prends beaucoup de feedback.

Et puis une fois que c'est écrit, il faut créer le dossier, il faut chercher des sous, etc. Et ça prend cinq ans, ça va vite. Donc peut-être dans cinq ans, je serai là avec un autre film parce que je suis en train de réfléchir à ce que je vais raconter.

7. MT : A qui vous deviez cet étalon d’or de yennenga ?

DK :Ben cet étalon d’or, je le dédie au peuple burkinabé pour sa persévérance. Et pour sa témérité aussi face à la barbarie du terrorisme. Et je dédié aussi ce film à tous ceux qui sont tombés pour défendre notre pays. Parce qu'ils sont très nombreux et ils méritent notre reconnaissance.

Par Mory Touré

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