Interview/Ousmane Coulibaly, promoteur : «Le Wobélé Festival, un souffle culturel et économique sur le Hambol»

Activités sportives, artistiques et touristiques fédèrent la jeunesse, tous les deux ans, lors du Wobélé Festival à Tafiré. L’objectif de l’événement est de valoriser le patrimoine des Tafilé et Tchébingué, en stimulant le développement local à travers la culture. Rencontre avec Ousmane Coulibaly, promoteur passionné du festival, qui revient sur les temps forts de l’événement et ses ambitions pour l'avenir à l’issue de cette 4e édition, du 9 au 17 août dernier dans le Hambol.
Quel bilan faites-vous de cette 4e édition ?
De ma position de promoteur, c’est un bilan totalement positif ! Évidemment, il y a quelques petits ratés. Cependant, pour cette 4e édition, outre le fait que nous voulions préserver nos us et coutumes en transmettant une envie de sauvegarde de nos cultures et valeurs, les différentes activités ont pour but d'attirer les jeunes. Cette nouvelle génération doit comprendre le bien-fondé de la préservation de notre patrimoine. Pour nous, c’est important. C’est pourquoi nous avons commencé par le sport, vecteur de cohésion, avec les disciplines que nos populations du nord adorent, en particulier celles de Tafiré, Badikaha et Niédiékaha.
On a commencé par le marathon. Ici, les gens aiment beaucoup courir dans la savane. Il y a eu le rallye que les gens voyaient seulement à la télévision. Puis, on a joué au Maracana, au basketball. Et la finale de tout cela est le moto cross pour lequel tous les grands champions sont venus (dimanche 17 août avec la présence, entre autres, du sextuple champion d’Afrique Pascal Vigneron : ndlr). On a fait venir aussi des grands noms de la musique. Donc, ça fait que plein de festivaliers ont découvert notre culture, notamment les danses traditionnelles qui tendent à disparaître…
Quel est l’impact de l’événement sur la ville de Tafiré ?
D’abord, au plan des infrastructures. Un tel événement demande des réceptifs hôteliers. A l’époque, nous avions un seul hôtel. Aujourd'hui, nous en sommes à une vingtaine et ça ne suffit pas ! Ensuite, la place même du Wobélé, rebaptisée place Alassane Ouattara du fait de la visite de la Première dame Dominique Ouattara. Le Vice-président de la République, M. Tiémoko Meyliet Koné, qui est notre soutien moral et garant de la pérennisation de ce festival, a fait en sorte que cette place soit remodelée. Parce que chaque fois, le Wobélé reçoit au moins cinq ministres, hormis cette année où les gens sont en pré-campagne en raison des élections.
Les cadres aussi ont compris qu’ils doivent s’y mettre, en plus de ce que font les ministres. Vous voyez aussi que le réseau routier est très bon. Pratiquement tout Tafiré est bitumé du fait de nos cadres, du gouvernement, du Vice-président… qui viennent et découvrent cette sympathique et coquette ville. Notre objectif est d’étendre ces infrastructures sur Niédiékaha. Parce que Badikaha, c’est déjà bon du fait d’un de nos cadres, Seydou Traoré (Directeur général du budget : ndlr). Les sociétés de transport se sont multipliées.
Les femmes, les jeunes font de bonnes affaires. Nos produits locaux sont prisés : le miel, le beurre de karité, le soumbala, le kinkéliba, etc. Des coopératives de femmes et de jeunes ont essayé de transformer ces produits avec de meilleurs conditionnements. Nos produits naturels sont demandés partout. Donc, sur tous ces plans, il y a un impact certain, y compris sur le petit commerce. Au plan touristique, nous avons créé un circuit. L’édition dernière, c'était à Badikaha. Cette année à Niédiékaha, nous sommes allés découvrir la montagne sacrée, le Yéliman, qui attire les gens un peu partout de l’Europe, des États-Unis pour venir faire des vœux. Et quand ils sont exaucés, ils reviennent honorer leur engagement.
Diriez-vous aujourd'hui que vous êtes les garants de la préservation du patrimoine Tagbana et Sénoufo de la région ?
On ne peut pas avoir cette prétention. Mais on va amener les gens à faire comme nous le faisons au Wobélé Festival. On aurait pu s’arrêter à Tafiré seulement. Mais nous avons associé deux autres sous-préfectures, Badikaha et Niédiékaha. Le ministre de la Transition numérique et de la Digitalisation, M. Ibrahim Kalil Konaté, a d'ailleurs souhaité qu’on fasse un seul festival pour toute la région du Hambol…
Est-ce possible ?
C’est possible, s’il est itinérant. Vous savez, ce sont les hommes. Il suffit qu'on se parle, que chacun mette son égo de côté. On peut le faire. Même à l’échelle de Tafiré seulement, j’ai des difficultés. Donc, à l’échelle régionale, elles seront multipliées par deux (rires). Mais à cœur vaillant rien d’impossible. On peut aller au-delà de nos petits égos. Cependant, il va falloir procéder par étapes. Avec de la pédagogie et de la sensibilisation, on peut y arriver.
OK. Quelles sont les projections pour les prochaines éditions ?
Avant de passer au festival, nous faisions autrefois les festivités chaque année. Elles ne duraient que deux jours, le temps d’un weekend. Mais quand nous sommes passés au festival en 2019, nous avons décidé d’organiser cela en biennal pour des raisons logistiques. Car, tout festival nécessite une préparation d’au moins une année. Il y a les aspects organisationnels, des appuis institutionnels à trouver, des annonceurs qui acceptent de vous accompagner, etc. C’est très compliqué.
Nous allons nous pencher, les prochaines années, sur trois choses. Premièrement, la transformation de nos produits, qui est vraiment importante. Deuxièmement, arriver à un jumelage, voire un benchmark avec d’autres festivals tel que celui d’Avignon. Ces festivals pourront nous apporter leur expertise. Le troisième élément, est l’éducation. Selon les données du ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation, les résultats scolaires sont bas dans le Hambol. On a donc pris le taureau par les cornes et dans ce sens, nous apportons un appui important aux différentes cantines scolaires. Nous créons une saine émulation aussi bien au niveau des enfants que des femmes. Parce qu’on estime que ce sont les femmes qui s’occupent des enfants.
Un message à l’endroit du public ?
Je voudrais vraiment remercier la presse qui porte notre voix à l’extérieur. Dire merci également à tous les festivaliers venus de Côte d'Ivoire et de l’extérieur, notamment la forte communauté des jeunes de Tafiré, Badikaha et Niédiékaha qui sont dans la diaspora, aux États-Unis, en France, en Angleterre… Ils sont venus. Et je voudrais vraiment qu’ils nous accompagnent pour ouvrir le Wobélé à l’international.
Recueillis par François Yéo
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