Les dessous de la visite spirituelle de Tiken Jah dans un village de Guyane

Le weekend dernier, le chanteur de reggae international, Tiken Jah Fakoly a livré deux concerts à Cayenne puis à Saint-Laurent du Maroni, en Guyane française. Des concerts organisés par l’association Hope Initiative pour soutenir des projets humanitaires. L’occasion aussi pour l’artiste d’effectuer une visite à Apatou, un village situé dans l'ouest guyanais et en grande partie peuplé par les Bushinengue, des descendants d’esclaves Noirs marrons.
De façon symbolique, c’est dans une pirogue que l’icône du reggae a rallié la commune du Maroni. A juste titre, car c’est le même moyen qu’utilisaient autrefois les ancêtres du Capitaine Apatou, guide et fondateur du village. Cette visite personnelle, en début de journée, a permis à Tiken Jah de replonger dans l’histoire et de faire le lien avec ses origines ivoiriennes, voire africaines, là-bas à des milliers de kilomètres.
Accueilli dans une ambiance de fête au son des instruments de musique traditionnelle (awasa et kawaii), il a d’emblée révélé à Pierre Sida, important chef coutumier d’Apatou, la raison de sa visite : «Je viens vous voir, car je suis de Côte d'Ivoire et il y a beaucoup de gens de chez vous qui ressemblent aux gens de chez moi, en particulier dans la région de Jacqueville.» Il a offert des tenues, des draps et étoffes d’origine burkinabè, pays des hommes intègres. Les deux hommes ont ensuite rejoint le Faaka Tiki, lieu de prière hautement symbolique au bord du fleuve où Tiken Jah a été confié aux mânes des ancêtres, au cours d’une libation.
«Lorsque l’on vient dans un endroit comme celui-ci, nous ne sommes pas dépaysés. C’est aussi ce que je venais rechercher», a-t-il confié, ému. «Ils ont gardé leur nourriture, leurs danses, leurs traditions… J’ai beaucoup d’émotions à être là. Je vois des visages qui ressemblent à des gens de chez moi.»
Au nombre des personnalités qui ont reçu le chanteur, Paul Dolianki, ex-maire d’Apatou et son équipe, le premier magistrat, Moïse Edwin… Au menu des échanges, il a été évidemment question de culture, de musique. Et l’artiste devrait revenir dans le département à l’occasion d’un spectacle communautaire (le Festival des origines ou une fête communale).
Je n’ai pas envie de partir…
Avant de quitter ses hôtes, Tiken Jah a reçu un Tembé (un art noir-marron) des mains du maire. En outre, d’autres présents en lien avec la culture locale lui ont été offerts dont un sac en calebasse, un maillot ASC Agouado, etc. Un repas réunissant les équipes du chanteur, les chefs coutumiers ainsi que les personnalités administratives locales a ensuite été partagé. «C’était une fierté de l’avoir à nos côtés”, s’est réjoui Paul Dolianki.
En toute fin de visite, Tiken Jah a dit sa joie et sa volonté à marcher dans les pas de ses ancêtres africains dont des descendants sont disséminés aux quatre coins du globe. En particulier dans cette commune lagunaire, loin du continent, mais si proches par le sang et la tradition : «Les pas de danse, l’awasa, même les noms de famille sont les mêmes. Ce qui fait beaucoup de similitudes.
L’hospitalité, l’accueil également. Ce sont comme ça que les gens le font dans ces régions de la Côte d'Ivoire. Je suis très heureux et ému. J’ai vu l’Afrique ici et je n’ai pas envie de partir. Mon rêve est de revenir jouer ici.» Une visite qui résonne un peu comme l’appel de la terre, la voix des ancêtres. Et le reggae qui a façonné Moussa Doumbia, alias Tiken Jah, en est également une sorte de prolongement par sa dimension spirituelle.
François Yéo
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