Le 4 août 1984, Thomas Sankara rebaptisait la Haute-Volta en Burkina Faso

Le 4 août 1984, Thomas Sankara renommait l'ancienne Haute-Volta en Burkina-Faso, le "Pays des hommes intègres". Un changement de nom officiel et très symbolique, destiné à rompre avec le passé colonial et à concrétiser les objectifs de la révolution sankariste.
En vertu d une ordonnance du 2 août 1984, le capitaine Thomas Sankara, désireux de faire table rase du « passé réactionnaire et néocolonial », rebaptise la Haute-Volta en République démocratique et populaire du Bourkina Fâso (orthographe originelle). Le premier mot signifie « homme intègre » en langue mooré et le second « terre natale » en dioula, soit « le pays des hommes intègres ». Ses sept millions d habitants ne sont plus des Voltaïques mais des Bourkinabè.
Le drapeau de l ancienne Haute-Volta, composé de trois bandes noire, blanche et rouge, est aussi remplacé. Le nouvel étendard national est désormais composé de deux bandes horizontales rouge et verte, frappées d une étoile jaune à cinq branches. Le tout représentant respectivement les idéaux de révolution, de travail de la terre, et d espérance. Autre transformation : l hymne national. La chansonVolta laisse la place au Ditanie, ou « chant de la victoire ». La devise nationale est elle aussi modifiée, passant de « Unité-travail-justice » à « La patrie ou la mort, nous vaincrons ».
Sankara à la guitare
Ce changement de nom de l ancienne colonie française est célébré deux jours plus tard, le 4 août, jour du premier anniversaire de la révolution de Thomas Sankara. Ce jour-là, le Conseil national révolutionnaire (CNR) organise des festivités dans tout le pays en l honneur du nouveau Bourkina Fâso. Outre les cérémonies officielles, des matchs de football et de boxe, ainsi qu une course cycliste, sont organisés.
À Ouagadougou, les festivités sont menées par le capitaine Sankara en personne. Le jeune leader de 36 ans, qui a pris le pouvoir avec un groupe d officiers un an plus tôt, jubile. Au petit matin du 4 août, après une nuit de fête avec une vingtaine de proches dans son quartier général, il attrape une guitare dont il commence à gratter les cordes. Un de ses ministres et un sergent-chef lui emboîtent le pas. Le petit groupe tire l assemblée de sa somnolence. Parmi les convives, un invité de marque : le président ghanéen John Jerry Rawlings, dont les grandes lunettes sombres ne masquent pas l étonnement face aux talents cachés de son hôte. Comme l écrit Mohamed Selhami, alors envoyé spécial de Jeune Afrique, « la révolution n est pas seulement cette chose qui immobilise l esprit, elle sait aussi l égayer, surtout lorsque Thomas Sankara s en occupe ».
« Il fallait prendre des initiatives audacieuses et radicales »
Muni de son inséparable revolver incrusté d argent et d ivoire, le capitaine anti-impérialiste expliquera à notre ancien collaborateur avoir changé le nom de son pays « pour mieux appliquer notre conception révolutionnaire ». Selon lui, « il fallait prendre des initiatives audacieuses et radicales, entre autres effacer les traces du colonialisme. À commencer par l appellation donnée par celui-ci à notre pays. Le nom Haute-Volta ne répondait ni à des critères géographiques ni à des critères sociologiques ou culturels ».
Trente ans plus tard, le Burkina Faso reste connu dans le monde entier comme le « Pays des hommes intègres ». Le capitaine Thomas Sankara, assassiné le 15 octobre 1987 dans des circonstances troubles, est lui devenu une légende, adulé bien au delà des frontières de l ancien berceau de la révolution sankariste.
Lire l article de Mohamed Selhami, paru dans le Jeune Afrique n°1232-1233, paru entre le 15 et le 22 août 1984 :
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