Inquiétante, la santé des futurs médecins ?

L'Ordre national des médecins dresse un constat préoccupant sur l'état de santé des étudiants en médecine et jeunes praticiens. Mais sont-ils les seuls ?
Les cordonniers sont, dit-on, souvent les plus mal chaussés. Selon un rapport publié par l'Ordre national des médecins le 24 juin, un quart des étudiants en médecine et des jeunes médecins estiment que leur état de santé est particulièrement moyen, voire mauvais. Cette enquête menée auprès des jeunes en deuxième et troisième cycle, en fin de cursus ou ayant une licence de remplacement appuie également sur le fait que cette situation augmente avec l'avancement des études.
Les médecins responsables du rapport estiment que la situation est alarmante. Les répondants avouent que, malgré des problèmes de santé, ils ne vont pas consulter fréquemment un généraliste. Ils disent ne pas en « avoir le temps » et préférer une « prise en charge personnelle », notamment les internes qui ont la possibilité de se faire leur propre ordonnance. À cela s'ajoute un chiffre inquiétant pour les auteurs : 14 % des questionnés estiment avoir déjà pensé au suicide. Mais tout cela est loin d'être propre à ces jeunes. Le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15-24 ans et, selon une étude de la Smerep, 80 % des étudiants ne vont pas consulter systématiquement un médecin lorsqu'ils sont malades.
Des conditions différentes des autres ?
Ce mal-être est-il propre à la prestigieuse filière ? Lorsque nous interrogeons des étudiants en médecine, ils estiment que le processus de sélection les met particulièrement à l'épreuve psychologiquement. Ce dernier entraîne une ambiance absolument non propice au soutien ou à la solidarité et « il conduit les doublants à tout mettre en oeuvre pour gêner les nouveaux arrivants. Bienvenue en médecine, c'est chacun pour sa peau ! ». Quand ils nous apprennent que le niveau demandé en physique en première année est celui d'une licence 3 spécialisée dans ce domaine, on peut aussi se demander si on n'en attend pas trop de ces élèves. Faire médecine est donc, certes, difficile et demande un investissement important, mais il ne faut pas en faire un cas unique. En classes préparatoires, la même rigueur est demandée et la même sélection est de mise. Un système qui étonne d'ailleurs nos voisins européens par sa sévérité.
Néanmoins, quand on avance dans les années, il est vrai que les internes (étudiants de troisième cycle qui exercent sous la responsabilité d'un médecin) sont particulièrement exposés à des conditions de travail néfastes pour leur santé. L'Ordre national des médecins met notamment sur la table les heures de travail effarantes qui leur sont demandées. Alors qu'un décret de février 2015 limite ces dernières à « seulement » quarante-huit par semaine pour les internes, 40 % des soudés ont déclaré travailler entre quarante-huit et soixante heures sur sept jours et 8,7 % estiment même travailler plus de soixante-dix heures. Selon le Dr Jean-Marcel Mourgues, président de la section santé publique et démographie médicale du conseil de l'ordre, la déclaration d'une moyenne ou mauvaise santé est statistiquement liée en grande partie à ce temps de travail important.
